31 octobre 2006 2 31 /10 /octobre /2006 12:00


[article rédigé par Antonio, merci à lui !]

 

Jean Darnel répond aux courrier des auditeurs

 

[NDLR : pas d'invité lors de cette émission]

 

Les mystères et les problèmes de la voix au théâtre. Les problèmes liés au contexte d’antan, quand il fallait hurler et se faire entendre du roi qui était au balcon. On en a gardé le principe de la voix portée. Aujourd’hui, on a les nouvelles techniques, le micro bien sûr, le cinéma, les petites salles, les acteurs font de la radio, de la télévision. Le problème n’est pas résolu pout autant pour les grands textes et les grandes salles.

 

Le timbre. Ce n’est ni le souffle ni le volume de la voix. C’est plus une vibration au-delà de la voix : la signature de notre personnalité vocale, de notre personnalité vocale tout court. Des voix superbes n’ont pas forcément cette signature du bon comédien, alors que des voix peu gâtées par la nature la possèdent. Si ce timbre correspond à la pensée, à l’imaginaire et au physique du comédien, alors on peut être en présence d’un très grand acteur.

 

Une belle voix ne passera pas si elle est vide. Une voix superbe mais sans personnalité, on l’écoutera sans plus. Quelqu’un peut arriver en scène avec une moins belle voix organique, mais capable de subjuguer : ce fut par exemple le cas d’Yvonne de Bray (mère de Jean Marais, dans "Les enfants terribles" de Cocteau), une voix marquée par tous les excès qu’elle avait connus. Dans "Pour Lucrèce" de Giraudoux, ce ne furent ni Madeleine Renaud ni Edwige Feuillère qui firent que la salle se retrouva debout à la fin de la pièce, prise aux tripes, mais bien Yvonne de Bray qui jouait le rôle d’une vieille maquerelle d’Aix. Un tout petit monologue à la toute fin de la pièce...

 

Yvonne de Bray (1889-1954)

http://dvdtoile.com/Filmographie.php?id=13607

 

Madeleine Renaud (1900-1994)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_Renaud

 

Edwige Feuillère (1907-1998)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Edwige_Feuill%C3%A8re

 

Que sont les emplois ? Quelle que soit la pièce, reviennent toujours certains types de rôles : Le jeune premier, la jeune première, le tragédien, la soubrette, le valet. Il fallait des acteurs qui aient le physique de l’emploi. Moins connus sont les emplois "à manteau" : on fait ici référence aux comédiens qui jouaient Basile, Arnolphe (de l’École des femmes), ou encore tels petits notaires. Ils arrivaient toujours habillés d’un petit manteau par-dessus leurs habits. Il y avait aussi l’emploi des ridicules (personnages tels qu’Oronte du Misanthrope).
Ainsi, on a entendu Pierre Bertin, homme exquis ayant passé sa vie dans les emplois de ridicule, prêter sa voix à Oronte, dans le Misanthrope, en compagnie de Jean-Louis Barrault (Alceste) et de Jean Desailly (Philinte) lequel aurait été classé au XVIIe siècle dans les raisonneurs. (Pierre Bertin fut le mémorable Adolphe Amédée Delafoy dans "Les tontons flingueurs").

 

Pierre Bertin (1891-1984)

 

Jean-Louis Barrault (1910-1994)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Barrault

 

Jean Desailly (né en 1920)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Desailly

 

L’hommage à Sarah Bernhardt, (hiver 1944) dont le théâtre avait été débaptisé du fait de ses origines juives. Au palais de Chaillot pour le centenaire de la naissance de Sarah, répétitions avec Renée Faure, Madame Segond-Weber (en Agrippine), Fernand Ledoux, Edwige Feuillère (en Tosca, celle de Victorien Sardou), Marguerite Jamois... Arriva le 5e acte de l’Aiglon, joué par Jean Weber qui ne fit que mimer tandis qu’on entendait la voix de Sarah : inaudible ! [NDLR : pire que lorsqu’on essayait de capter "Les Français parlent au Français"]. Nouvel essai de bande son avec la voix de Tonia Navar qui avait l’habitude d’imiter Sarah et Weber dans l’Aiglon. Le jour J, la foule extasiée, Président de la République et ministres en tête, ignora qu’en réalité elle avait entendu Tonia (dont la perte de sa culotte sur la scène du Français, tandis qu’elle jouait l’Arlésienne, fit beaucoup pour sa renommée).

 

Sarah Bernhardt (1844-1923)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sarah_Bernhardt

 

Le dialogue philosophique "Le neveu de Rameau" de Diderot. Le manuscrit disparut, fut retrouvé en Russie par Schiller qui le transmit à Goethe qui le traduisit en allemand, pour être finalement retraduit en français...
Le manuscrit autographe fut retrouvé chez un bouquiniste des quais de la Seine vers 1890. Philippe Laudenbach, neveu de Pierre Fresnay et élève de Madame Dussane en fit le montage pour son concours du Conservatoire mais il le montra à son tonton qui lui dit : « Stop ! Je le joue ! » Le dialogue devint un monument du théâtre français. Pierre Fresnay tint le rôle de Lui en compagnie de Julien Bertheau (dans le rôle de Moi). C’est la première fois qu’on a entendu l’original du texte de Diderot. Jean Darnel nous a fait écouter un extrait du Neveu de Rameau et a évoqué les « histrionneries » du grand Pierre Fresnay, quand celui-ci participait à ses festivals d’été.

 

Denis Diderot (1713-1784)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Denis_Diderot

 

Philippe Laudenbach (né en 1936)

http://www.ddo.fr/labruyere/uhalm/cv_pl.htm

 

Pierre Fresnay (1897-1975) et Yvonne Printemps (1895-1977)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Fresnay

 

Julien Bertheau (1910-1995)

http://acteurcinemaetcie.ifrance.com/BERTHEAU%20JULIEN.htm

 

On a aussi entendu Françoise Seigner jouer Toinette dans "Le Malade imaginaire" avec Jacques Charon ("Monsieur Comédie française").

 

catégorie : LJ Jean Darnel