[article rédigé par Aristote, merci à lui !]
présenté par Jean Decellas
hommage à Corneille
Pierre Corneille (1606 - 1684)
http://www.comedie-francaise.fr/biographies/corneille.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Corneille
pour lire Corneille en ligne (Gallica) :
http://gallica.bnf.fr/scripts/catalog.php?Auteur=pierre+corneille
"L’Excuse à Ariste", 1637, qui déclenche la Querelle du Cid
extraits :
« Je sais ce que je vaux et crois ce qu’on m’en dit. »
« Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée. »
J'ai brûlé fort longtemps d'une amour assez grande,
Et que jusqu'au tombeau je dois bien estimer,
Puisque ce fut par là que j'appris à rimer :
Mon bonheur commença quand mon âme fut prise,
Je gagnai de la gloire en perdant ma franchise,
Charmé de deux beaux yeux, mon vers charma la Cour,
Et ce que j'ai de nom je le dois à l'amour.
J'adorai donc Phillis, et la secrète estime
Que ce divin esprit faisait de notre rime
Me fit devenir Poète aussitôt qu'amoureux :
Elle eut mes premiers Vers, elle eut mes derniers feux,
Et bien que maintenant cette belle inhumaine
Traite mon souvenir avec un peu de haine,
Je me trouve toujours en état de l'aimer,
Je me sens tout ému quand je l'entends nommer,
Et par le doux effet d'une prompte tendresse
Mon coeur sans mon aveu reconnaît sa maîtresse,
Après beaucoup de voeux et de submissions
Un malheur rompt le cours de nos affections ;
Mais toute mon amour en elle consommée,
Je ne vois rien d'aimable après l'avoir aimée,
Aussi n'aimai-je plus, et nul objet vainqueur
N'a possédé depuis ma veine ni mon coeur.
Vous le dirai-je, ami ? tant qu'ont duré nos flammes
Ma Muse également chatouillait nos deux âmes,
Elle avait sur la mienne un absolu pouvoir,
J'aimais à le décrire, elle à le recevoir :
Une voix ravissante ainsi que son visage
La faisait appeler le Phénix de notre âge,
Et souvent de sa part je me suis vu presser
Pour avoir de ma main de quoi mieux l'exercer.
Jugez vous-même, Ariste, à cette douce amorce,
Si mon génie était pour épargner sa force.
lecture par Jean Decellas de quelques poèmes sur Noël de son cru
▶ L’Avent
C’est quand la nuit se fait plus noire
Qu’il faut guetter le point du jour.
Quand le soleil meurt, il faut croire
Plus que jamais à son retour.
J’attends Noël.
C’est quand la terre devient dure
Que le grain germe dans le sol,
C’est quand le froid s’installe et dure
Qu’il faut aimer le rossignol.
J’attends Noël.
C’est quand la bise nous découpe
Qu’il faut invoquer le printemps,
C’est quand nous n’avons plus de soupe
Qu’il faut avoir faim d’ortolans.
J’attends Noël.
Et quand le monde est bas et bête
Et rote et ronfle et dors repu,
Place aux enfants, place aux poètes,
« Eh, Dieu le Père, m’entends-tu ?
J’attends Noël. »
▶ Les émois du Noël d’avant
Joseph, il a bougé dans mon sein ce matin,
Pour la première fois j’ai senti qu’il remue,
Depuis, j’ai du soleil dans ma chair tout émue,
C’était son petit pied ou sa petite main.
Il n’a pas fait, bien sûr, un bien grand mouvement,
Ça n’a pas duré, tout juste une seconde,
Pourtant ça m’a suffi pour me changer le monde
Oui, m’en voilà déjà mille fois plus maman.
Maintenant je connais qu’il respire en mon corps,
Son cœur bat dans mon cœur comme une cloche sourde,
Et je deviens plus lente et je me sens plus lourde,
Avant, je l’aimais bien, je l’aime plus encore.
O, mon enfant vivant, bouge tant que tu veux,
Non, ne m’épargne pas, tant pis si tu me blesses,
De ma tendre douleur naît ma douce allégresse,
O mon triple seigneur, mon fils, mon roi, mon Dieu.
▶ Le Noël des bergers
- Bel ange du Seigneur illuminant le soir,
Quelle est votre nouvelle ?
- L’étoile de mon front vous invite à l’espoir
Dans le jour qui chancelle.
- Bel ange souriant, pourquoi descendez-vous
De vos claires demeures ?
- Pasteurs, je suis venir pour vous dire : Debout,
Vous partirez dans l’heure.
- Bel ange, parlez vrai. Ce que vous dites là,
Est-ce rêve ou lubie ?
- Bergers, dès la minuit le fils de Dieu naîtra
De la Vierge Marie.
- Bel ange, pour le voir, comment connaîtrons-nous
Le prince des Archanges ?
- Il dort sur de la paille et ses membres sont tout
Enveloppés de langes.
- Bel ange du Seigneur, que lui faut-il porter
Pour fêter sa venue ?
- Portez-lui du fromage, un agneau nouveau-né,
Vos âmes toutes nues.
▶ Le Noël de l’âne
Moi, je suis l’âne de la crèche,
J’ai chauffé le petit Jésus.
Le bœuf m’a dit : « La paille est fraîche,
Pour la tiédir, soufflons dessus ».
Je savais bien Marie enceinte,
Quand elle monta sur mon dos,
Sa fatigue n’était pas feinte,
Elle portait son saint fardeau.
Quand nous quittâmes le village
Pour nous rendre à Jérusalem,
Joseph, qui mène le ménage,
Voulut dormir à Bethléem.
À l’arrivée en cette ville,
Ils ont cherché logis pour deux,
Mais, de façon fort incivile,
Personne ici n’a voulu d’eux.
Heureusement, chez nous, les bêtes,
Ils ont trouvé gîte et chaleur,
Les hommes n’étaient pas honnêtes
De les laisser dans le malheur.
Quand elle mit son fils au monde,
La Vierge a tellement prié
Que même en sa forêt profonde
Le loup cruel en eut pitié.
Alors, le bœuf, mon vieux compère,
Ému de voir l’enfant tremblant,
Voulut réconforter la mère
Et chauffer le fils en soufflant.
Nous avons donc, de notre haleine,
Vêtu l’Enfant Dieu tour à tour.
Jésus, pour lui payer sa peine
Donne à ton âne un peu d’amour.
▶ Le Noël de la rose
Le soleil est froid, mort de désespoir,
Rien ne germe plus au sein de la terre,
Parmi la nuit dure où court le vent noir,
Craquent les silex en éclats de verre.
Dans l’éther gelé, durci, minéral,
Nul cri, nul appel, nul froissement d’ailes,
La mort au galop sur son haut cheval
Chasse une âme à courre et Satan l’appelle.
Pourtant, au zénith, un air plus léger
Avive en passant la braise des astres.
Au secret du sol, qui donc a bougé ?
Quel espoir de vivre échappe au désastre ?
Un appel nouveau réveille les corps,
Un enfant suffit, qu’il naisse, qu’il ose
Dans un monde en deuil, qu’il soit le plus fort.
Il l’est. Spontanément naît une rose.
[NDLR : poèmes notés sous la dictée et donc communiqués sous toutes réserves]