9 février 2007 5 09 /02 /février /2007 10:45


[article rédigé par Aristote, merci à lui !]

 

présenté par Pascal Payen-Appenzeller

 

Jean-Pierre Siméon, poète, romancier, critique littéraire, directeur du "Printemps des poètes"

 

http://www.printempsdespoetes.com

 

Jean-Pierre Siméon a souligné à quel point la poésie était « ouverture à l’autre » ; Pascal Payen-Appenzeller a évoqué, pour la poésie, « l’amour mystérieux du dieu en l’autre. » Il précise encore à quel point la poésie est « éducatrice » ; « on fait de l’amour ensemble ». La poésie dit : « Aimons-nous ».

Jean-Pierre Siméon cite alors le poète tchouvache Guennadi Aïgui, pour qui la poésie est le « le travail-langage de la fraternité humaine ».

(Guennadi Aïgui)

http://www.ledevoir.com/2006/02/22/102620.html

"Le Bois de hêtres"

 

extraits :

 

Buchenwald

Mais sur la route qui va d’Erfurt à Weimar,
Entre l’incendie noir de Lehrlin (?)
Et l’arbre des couleurs que Goethe convoitait,
Le soleil doute.
Le ventre de la colline est atteint
A un gris lent et pur comme un chagrin.
O fontaine maraudée par le vent,
Verte fontaine des innocents,
Dont nul ne sait plus transparence,
La transparence ni la raison.
Tu cherches un corps à ton sommeil
Dispersé comme un gisant de feuilles.
Ici le silence a le grain d’un papier
Aussi vieux que le monde,
Un papier cousu dans l’âme même des innocents,
Et sur quoi s’écrit le poème incertain et sans mots
D’une douceur brûlée.
Au jardin de Weimar dans l’averse des branches,
Le vent et la mémoire remuent.
Et le soleil trie les ombres dans nos yeux.

 

-

 

Mais l’homme au cœur des choses de la ville,
Les façades et le ciel, le mutisme et l’effroi,
Pose un jour son regard sur l’éclat d’un visage.
Cela est simple comme une naissance,
Le pas risqué au seuil d’un jardin,
La paix du matin sur l’ombre des pourpiers.
L’homme alors hante sans fin sa solitude
Et reconnaît dans l’empreinte de ses pas
La poussière d’or qu’il portait aux talons.
Alors, les lèvres sèches et le cœur sans douceur,
Il fait le compte de ses nuits et de ses apparitions.
Cela est simple comme une peur d’enfant,
Un vol d’oiseaux sous les fusils.
Quand il a oublié le visage et jusqu’au rêve du visage
Il marche dans la ville
Comme un aveugle inventant les couleurs par leur nom.
Il marche vers sa certitude.
Cela est simple.
Le monde n’a que l’or bref d’un visage pour argument.

 

-

 

Eloignons-nous, mon amour,
De la vase qui prend les pieds,
Non pour vivre un ailleurs de pourpre et d’or,
Mais pour que l’oreille scrute où le pas sonne juste
Quand il va sur la dalle nocturne de nos vies.
Nous savons depuis l’enfant, repris dans les pleurs,
A ses jeux d’aveugle dans la vague,
Que nulle part il ne fait beau longuement.
Nous n’avons qu’un ciel,
Le même pour la tiédeur et la flamme,
Le même pour la guêpe et l’ouragan,
Et il admet la buée fraîche du matin sur la mort.
Eloignons-nous, donc,
Sans quitter avec notre cœur martelé de savoir
Et la mémoire bondée du désastre,
Eloignons-nous de nos journées mourantes,
Où l’on pense, sans colère et sans hâte,
Comme on range son sommeil entre les draps.
Il s’agit de descendre au secret dans les rues basses
Sans plus de lumière que l’averse du premier jour retrouvé,
Comme font retour les amants
Dans leurs serments de salive et de sueur
La nuit parfaite, ô bruissant dans l’obscur.
Puis lourdement habillés du monde.
Revenons à nos pas quotidiens,
Avec aux lèvres
La loi violente du poème.

 

[NDLR : poèmes pris sous la dictée, donc communiqués sous toutes réserves]

 

catégorie : (LdJ Pierre Dehaye)